Black swan

Les ailes du désir

L'histoire

Une danseuse est choisie pour incarner la Reine des cygnes. Mais pourra-t-elle jouer aussi le Cygne noir ?

Les plaisirs du film

Le film est taillé en diamant : matériau dur, facettes aux angles aigus, distorsion de la réalité vue au travers. Le matériau brut, c'est cette quête de la perfection. Une source de souffrances physiques et psychiques montrées d'abord par petites touches, puis de façon plus spectaculaire. Les facettes aux angles aigus sont celles de cette personnalité à fleur de peau. Cette danseuse funambule sans cesse sur le fil, dont le visage exprime l'infinie détresse, les failles, les peurs. Portman est fantastiquement filmée. Distorsion de la réalité : de façon passionnante pour le spectateur, le réalisateur multiplie les reflets des personnages sur des supports flous, contribuant ainsi à fausser les pistes. Les outils de la taille sont aussi très présents dans le film : couteaux, ciseaux...

Le thème du double. Ce thème romantique par excellence, sur la perte de soi, irrigue le film, là encore de manière délectable. Dès les premières images, Portman croit se voir en d'autres jeunes femmes. Le phénomène s'amplifie à partir du moment où elle se voit proposer le rôle double Cygne blanc/noir. Elle doit donc elle-même se dédoubler sur scène : apparaît alors son double sensuel et spontané (tout ce qu'elle n'est pas et doit conquérir pour jouer la face obscur) en la personne de l'attirante Mila Kunis.

La sensualité latente. Jeune femme artificiellement maintenue en vie adolescente par une mère ratée et castratrice qui se fantasme en elle, Portman, poussée par son mentor chorégraphe, Cassel, multiplie les tentatives de transgressions. Pour pouvoir préciser atteindre en elle ce point "noir", celui des pulsions, nécessaire au rôle. Ce point interdit par une chambre rose sucrée, par sa mère perverse. Essais de masturbation, déchainements de violence, rapport problématique au corps : cette vierge effarouchée attire une sensualité brusque.

Les interprétations possibles. Maléfice du Lac des Cygnes, maladie mentale, paranoïa passagère due aux répétitions, thriller à base de complot et de manipulations: toutes les interprétations sont non seulement possibles, mais encore souhaitées. Le réalisateur nous entraîne à les envisager toutes en temps réel. Un vrai plaisir de cinéma, même si quelques effets sont trop appuyés.

A voir ? Oui.

Et pour prolonger le plaisir sur le thème du double destructeur, lire Le Double de Dostoïevski, récit drôle, halluciné et virevoltant, et La Méprise de Nabokov, plus sombre. Et pourquoi pas le conte philosophique Peter Schlemihl de Chamisso.


3 commentaires:

Cécile a dit…

Petite question car j'aime ce que j'ai lu de Nabokov : "Le Mépris" est un roman ou bien une nouvelle (et si c'est le cas, quel est le titre du recueil dans lequel elle figure ?)
D'avance merci.
et ... au fait, même si nous n'avons pas tout à fait les mêmes goûts et attirances cinématographiques, je trouve votre blog agréable à suivre, à lire et d'une très grande clarté de présentation et de rédaction. Pas de surcharge pondérale. pas de fioriture. à l'essentiel.

Cécile a dit…

Pas de réponse
mais j'ai trouvé en cherchant samedi à la bibliothèqe : "La méprise" de Nabokov.
le Mépris est de Moravia adapté à l'écran par J-L Godard.
Aucun souci : il m'arrive aussi de m'emmêler les crayons dans les noms de personne et les titres de livres.
;-)
Bonne journée.

j'aime regarder les films a dit…

Merci, je corrige.