Birdman



Les ailes du désastre

L'histoire

L'interprète d'un super-héros de blockbuster passé aux oubliettes tente un come-back en adaptant Carver au théâtre. 

Les plaisirs du film

L'exercice de style. L'idée du plan-séquence, prouesse qui n'en est plus une depuis les raccords numériques, fatigue d'avance. Pourtant, à la vision de Birdman, on apprécie cette narration menée tambour battant, sans solution de continuité. C'est que le sens du détail, du rythme, le jeu des comédiens et le scénario jouent avec une puissance sans répit la même partition : l'exploration de la psyche d'un comédien, tiraillé entre 1/son ambition personnelle, 2/sa gloire passée incarnée par son double grotesque 3/ l'époque qui le dépasse, symbolisée par sa fille Sam. Ce film sans coupure, dont le bouillonnement traduit l'effervescence des 3 jours précédant la première de la pièce, est un huis-clos de cinglés, un circuit de parc d'attraction : un circuit fermé, qui monte et qui descend, qui vire, qui loopingue, le tout à une vitesse démente, avec quelques pauses pour mieux repartir. Posés dans notre fauteuil de cinéma, nous voici embringués dans une attraction grandiose, mêlant palais des glaces (reflets dans tous les sens, à commencer par le jeu entre le personnage principal et son interprète, ancien Batman, ou sa fille girlfriend de Spiderman), palais des horreurs,  montagne russe...

Les grandes questions. Vérité, art, addiction de l'époque aux réseaux sociaux, popularité, amour demandé par les comédiens, références culturelles, perte du savoir... Autant de sujets bien mieux traités ailleurs (Opening night), ici juste survolés avec une désinvolture perturbante et amusante : Birdman s'en trouve empreint d'un relativisme que l'on peut trouver assez distrayant ou totalement cynique. 

Le grotesque. Des super-pouvoirs imaginaires de Keaton à sa sortie en slip ou ses postiches, en passant par l'érection à contre-temps de Norton, le costume ridicule du super-héros et le passe-temps sur papier toilette de Sam, Birdman fait des merveilles dans le registre comique. 

Emma Stone.  On attendait depuis un moment un film qui rendrait grâce à cette comédienne frémissante aux grands yeux étranges. C'est fait. 

Y aller ? Oui. Et relire Carver.

Réalité



Dreams are my reality

L'histoire

Une petite fille nommée Reality tente de retrouver la cassette vidéo que son père a extraite des entrailles d'un sanglier. Entre autres.

Les plaisirs du film

Le tissage des fils. C'est un film choral dès le début. Successivement, on découvre les vies de Reality, de Jason, du présentateur TV et des autres... Habituellement, ce genre de construction se met en route sympathiquement, donnant peu à peu le plaisir de voir des recoupements et des liens entre les personnages. Une logique se met en place. Ici, tout dérape, en finesse et en étrangeté. Les liens entre les destins existent bel et bien, mais souvent au détour d'un rêve. Les effets de miroir (titre d'un livre lu au lit par Elodie Bouchez), les mises en abymes, les échos se multiplient alors, selon un rythme paisible, dans un réel banal mais sublimé par une lumière californienne et superbe, désaturée.

Chabat.  Un délice d'humanité, de justesse, de finesse. 

L'humour. Une drôlerie spéciale, mêlant un absurde extrême à une sorte de gravité, qui lorgne du côté de Lynch et de Bunuel. 

Tout est sujet à interprétation. Réalité demande une participation active du spectateur, non pas pour comprendre le film dans sa succession, sa narration explosée, mais dans chacun de ses plans. Un plaisir de saisir les subtilités de chaque situation, les non-dits, les détails. Tout peut vouloir dire quelque chose d'autre, à commencer par le titre, prénom de la petite fille, elle-même personnage filmé doublement. 

Y aller ? Oui, en s'abandonnant au plaisir de renoncer à comprendre et de tout interpréter. Ce film est comme un rêve projeté sur écran. Aussi réel, aussi profond, aussi imprévisible et évanescent.

It follows




Malédiction Sexuellement transmissible 

L'histoire

Une jeune femme tente d'échapper, avec l'aide de ses amis, à une malédiction étonnante.

Les plaisirs du film

Le monde des teenagers. Un monde à part, fragile, grave, blasé,dont les parents sont explicitement évacués,  balisé géographiquement par les chambres, le parc de jeu enfantin, la maison de campagne traditionnellement dévolue aux évolutions des slashers, le lycée et une non-zone urbaine. On pense parfois, à la vue de l'héroïne maussade et touchante, au détour d'un plan à l'élégance intimiste, à Virgin Suicides, mais revu par Carpenter.

L'image. Lumière, cadrage, direction d'acteurs : de très belles images jalonnent le film, dont certaines évoquent la poésie triste des séries de Lise Sarfati.

L'épure. Enfin un film d'épouvante qui fait la part belle à la suggestion, sans aucun effet sanglant ni spectaculaire, à 2 scènes près, qui d'ailleurs ne sont pas les plus réussies. L'utilisation du cadre est redoutable, avec l'arrière-plan comme menace potentielle. L'envie de faire peur avec trois fois rien à l'image et une bande-son implacable, composée pour l'image avec force, comme dans Under the Skin.

Le jeu. La caméra adopte parfois le point de vue de la personne atteinte par la malédiction, qui donc voit le "monstre". Et parfois non. De cette dualité naît le suspens, l'excitation oculaire à la Blow-Up : que cache ce  cadre ? Que nous réserve-t-il ?

Y aller ? Oui. 

Ma nuit au musée, le secret des pharaons


Poupeés de cire

L'histoire

Le gardien du musée enchanté part à Londres pour recharger la tablette.

Les plaisirs du film

La scène dans le tableau d'Escher. 

Le jeu entre Ben Stiller et son ancêtre, qui pourrait peut-être donner un spin-off intéressant.

Y aller ? Non. Lourd, paresseux, laid. Une sous-comédie à effet spéciaux des années 90.

Snow therapy


Damages 

L'histoire

Les conséquences d'une avalanche sur une famille en vacances au ski

Les plaisirs du film

Les machines. Des équipements de la station, pylônes, canons à neige, en passant par les brosses à dents électriques, les drones et le car de la fin. Elles forment un décor discret mais surtout un carcan redoutable, à la vie propre, au rythme lent mais implacable, qui contribue à déshumaniser notre famille modèle. Une sorte de pré-Terminator, mais plus mécanique qu'électronique. Jusqu'à l'échappée finale, où le corps, sans casques ni artifices, reprend la main.

La drôle de tension entre le grotesque et le neutre. D'un côté, une mise en scène par le vide, aussi bien dans le cadre, où la station semble étrangement déserte, que dans le style, parfois neutre jusqu'au plat, d'où émergent quelques images surprises (le drone, la fête des supporters). D'un autre côté, le burlesque ou l'absurde de certaines situations, comme le running gag de l'inquiétant employé de l'hôtel, l'ironie du sauvetage du dernier jour de ski ou la séquence des chaises-longues, version nordique des Bronzés.

Les métaphores martiales. Le couple se déchire sur fond de coups de canons, de radars, de chars : les canons de déclenchement des avalanches "contrôlées", les écrans d'information pour skieurs, les chenilles de damage.

Y aller ? Oui. Et revoir / relire Le Mépris, sur le même sujet de la perte de confiance au sein d'un couple.