De rouille et d'os


Comment l'amour vient aux jeunes brutes

L'histoire

L'amour entre un dur à cuire et une jeune femme amputée des jambes.

Les plaisirs du film

La non-ellipse. Audiard nous montre ce que nous pressentions ne pas voir à l'écran. Par exemple la scène du réveil de Cotillard à l'hôpital, sidérante de sobriété, où l'on voit pour la première fois l'absence des jambes. Par exemple la scène de sexe. Ce spectaculaire du banal est permis par la qualité du trucage. Les moignons de Cotillard sont à couper le souffle.

La radicalité de la ligne. A partir d'une situation casse-gueule, l'idylle entre ces deux "marginaux", le film déroule sans lâcheté, sans pirouettes, toutes les implications possibles. Le dur à cuir bas de plafond mais prévenant reste tel quel, ne s'attendrit pas mais conserve une solidité minérale, un monolithisme si intègre qu'il permet à la jeune femme de se reconstruire. Sur le papier, les péripéties du film pourraient prêter à sourire. A l'écran, l'absence de compromis leur donne une réelle force, à défaut d'une grande émotion.

Les digressions esthétisantes propres à Audiard, déjà surprenantes dans Un Prophète. Séquences courtes de lumières, de textures, comme des respirations, des instants de beauté captés à l'arrache, volés au réel par la caméra. 

La mise en scène de l'accident d'orque.

La critique entre les lignes d'une certaine société de consommation, inhumaine.

Y aller ? Oui.



1 commentaire:

Cécile a dit…

Je suis d'accord avec vous.

Puissant le cinéma de Jacques Audiard à la très douce voix.

Bon film.
Un grand boeuf (un taureau plutôt ? vu ses performances au pieu) sans grande jugeotte qui sait à peine parler, sait user de ses poings et qui s'humanise ...
trop de scènes au ralenti peut-être ?
L'acteur principal est particulièrement marquant. Grande baraque qui s'exprime avec le corps. Marion Cotillard dans un de ses meilleurs rôles ? en tout cas loin du glamour et de ce que laissait pressentir sa carrière américaine.
La scène de show puis d'accident au Marynland est particulièrement bien orchestée, mise et en scène et filmée. les scènes de combat aussi (mais l'on savait déjà qu'Audiard excellait dans la violence). Très belles scènes où Marion Cotillard reprend sur la terrasse au soleil les gestes de domptage des orques, où devant l'aquarium géant elle appelle l'orque.

Je suis peu allée au cinéma ces derniers temps.
j'ai vu :
- "Sport de filles" (sur le monde très aristocratique et fermé du dressage de cheveaux avec Marina Hands, Balasko en épouse tyrannique, l'excellent et séduisant Bruno Ganz en ancien champion séducteur pris entre plusieurs femmes à fortes personnalités, blasé et désespéré)
- "Les adieux à la reine" (avec une Diane Kruger en Marie Antoinette, femme versatile, futile, amoureuse mais aussi de tête, à la tête très froide même, assez fascinante, au jeu d'actrice particulièrement intéressant et nuancé - - un film aux antipodes du rose bonbon et branchouille Marie-Antoinette de la "Coppolette" où la reine passait pour une idiote alors qu'elle était bel et bien une femme de pouvoir)
- "La terre outragée" (sur Tchernobyl - - édifiant au cas où on ne serait pas persuadé, même après Fukushima, que le nucléaire est une catastrophe et une saloperie sans nom ...)
- "Barbara" (ou comment vivre avec la Stasi aux basques en RDA. très sobre. sans pathos.)